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24e Dimanche du temps ordinaire C

16 septembre 2007

Guy Lapointe

Guy Lapointe


Luc 15, 1-10

                                                                                    

« Retrouver  la part vulnérable en soi »

« Regardez avec qui il se tient…» C’est une remarque que nous entendons souvent; une façon de réagir, vieille comme le monde. Certains venaient pour écouter Jésus, d’autres lui faisaient des reproches : « Il fait bon accueil aux pécheurs, et il mange avec eux. » « Regardez avec qui il se tient. » Est-ce bien ça l’image de Dieu qu’on cherche? Devant une telle attitude, Jésus raconte des paraboles, celle de la brebis retrouvée, qui parlent, on ne peut mieux, de nous et à travers nous de Dieu.

En réfléchissant à cette homélie, il m’est arrivé de voir plein de têtes de moutons, comme on en voit dans une publicité sympathique à la télévision. Soyez assurés, ce n’est pas ce que je vois ce midi en nous regardant. À première vue, derrière ces têtes de mouton toutes pareilles, il y a aussi  des histoires de vies… Vous aurez compris que je parle maintenant de nous. La valeur d’une  personne se révèle d’après tout ce qu’elle est, toute ce qu’elle vit, d’après ses choix de vies, ses orientations premières, ses réorientations. Toutes les brebis sont importantes pour le berger. Une des brebis, peut-être pour mieux se trouver, a cru bon de risquer de se perdre. Et le berger se met à sa recherche…

On en a fait l’expérience un jour ou l’autre. Quand on a l’impression de perdre quelque chose de précieux dans notre vie, vie de famille, vie de célibataire, choix religieux, on cherche, parfois désespérément. Quand on finit par trouver ce qu’on cherchait, on a le goût de le dire et même parfois de le chanter. Il y a quelque chose de la joie retrouvée. Cette brebis perdue et retrouvée, ce pourrait être aussi le sort des 99 autres qui sont restés et qui doivent elles aussi, à leur façon, vivre les mêmes débats. Mais elles réagissent autrement. 

Jésus le rappelle lui-même. Quand un berger retrouve enfin sa brebis perdue, il la met tout joyeux sur ses épaules et s’en va voir ses amis pour leur annoncer la bonne nouvelle. Et il les invite à se réjouir avec lui. Jésus souligne ces traits de la réaction humaine pour dire la joie de Dieu qui, depuis les origines, nous cherche. Rappelons-nous la Genèse : « Adam, où es-tu? » Il y a là plus qu’une promesse. C’est une interrogation audacieuse.

Relisant cette petite parabole, je me disais ceci : la brebis perdue, n’est-ce pas la « part vulnérable » en chacun/e de nous, notre part la plus précieuse, la plus fragile, avec la conviction que, sans elle, nous ne sommes pas vraiment nous-mêmes? Dans cette parabole, Jésus veut signifier que c’est à nous d’aller à la recherche de cette part vulnérable, indispensable pour notre vie. La brebis s’est protégée des autres; elle a risqué ailleurs jusqu’à se perdre… On comprendra aussi pourquoi, comme la brebis égarée, il nous soit arrivé un  jour ou l’autre de prendre le risque de s’isoler jusqu’à se perdre. Cette « part perdue », souvent occultée, parce que souvent difficile à vivre, menaçait de se réveiller au contact de la part souffrante d’autrui. Cette sorte de prise de conscience, cette unification retrouvée et initiée par Dieu au plus secret de nous, au lieu de nous enfermer en nous-mêmes, crée de l’espace pour autrui.

Le berger se réjouit lorsqu’il trouve la brebis. Cette joie vient de quoi? De l’unité retrouvée. Comment se manifeste-t-elle? Par l’ouverture aux autres. Cette joie très particulière est elle-même, pour reprendre une expression de Lytta Basset : « une ouverture des entrailles ». On disait de Jésus, lorsqu’il rencontrait des personnes blessées par la vie, qu’il « était ému aux entrailles ». L’expression parle fort. C’est une façon d’exprimer le sentiment de compassion, l’ouverture à l’autre. C’est laisser autrui accéder à cette zone où l’on est soi-même vulnérable.

Voilà où peut nous conduire cette parabole de la brebis perdue : la part vulnérable de soi et qu’on cherche, pour retrouver sa valeur de personne humaine en se faisant confiance et en faisant confiance aux autres.

Ce dimanche de l’appel des services est une occasion de nous ouvrir davantage aux autres pour construire nos vies, construire un lieu, un temps de communauté, pour retrouver  la part vulnérable de nous-mêmes et aider les autres à la retrouver. C’est dans la joie que nous rendrons grâce dans cette eucharistie et que nous partageons avec encore pus de significations le pain et le vin pour faire Corps.

J’aime citer  Etty Hillesum. Je le fais en terminant : « Dieu, ce n’est pas toi qui peut nous aider, mais nous qui  pouvons t’aider et, ce faisant, nous nous aidons nous-mêmes » (Une vie bouleversée…) Dans la parabole, n’y a-t-il pas un goût d’humanité retrouvée à l’image de Dieu qui nous cherche?


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