Pourquoi m’avoir invité, moi, à vous parler aujourd’hui?
Il y a tant de couples et de familles unis parmi nous, ici même. Ce sont
eux qui devraient témoigner. Nous célébrons aujourd’hui
la famille, la Sainte Famille :
C’est si beau! Un père, une mère un enfant, beaucoup de
visiteurs qui apportent des cadeaux, les anges qui chantent et Dieu lui-même
qui veille sur tout ça. Comme c’est beau.
Mais à côté de ce tableau idyllique de la Sainte Famille, à gauche
et à droite, je vois, comme l’âne et le bœuf, la réalité (qui
est si gauche) et la « Bonne Nouvelle ».
Entre ces deux là, moi, je n’ai que des questions :
Vous voyez : moi, j’ai grandi dans une famille détruit par
la guerre. Je n’ai que très peu de mémoires de mon père. À toutes
fins pratiques j’ai grandi dans une famille monoparentale. Je me suis
mariée avec tant d’idéalisme – mais après
un beau début, ma famille s’est avérée dysfonctionnelle
et elle a fini dans le divorce, comme tant d’autres. Ce qui m’a
surpris, ce à quoi je ne m’attendais pas du tout, c’est
que ce divorce était pour moi comme un cadeau du ciel, une libération.
Oui, c’est grâce au divorce que l’amour à pu survivre.
Tous nos enfants se sont mariés. Je les admire; - pourtant il y a une
famille reconstituée parmi eux. Alors, que voulez vous que je vous dise,
au sujet de la famille? Moi, qui est si loin de l’idéal.
Et si je regarde autour de moi, je vois que ne suis pas seule. La famille
n’est
plus ce qu’elle avait été. C’est comme si une tornade
avait brisé et emporté tout ce qui avait été faible
et malade. C’est comme si un tsunami avait détruit et rasé presque
tout.
Et pourtant je vois un brin d’espérance dans ce monde d’aujourd’hui :
N’avons nous pas la chance de recommencer – presqu’à zéro?
C’est une espérance angoissante! Cela ne me suffit pas, c’est
trop dur.
Regardons plutôt du côté de notre foi pour voir plus clair :
Dieu lui-même a choisi de venir dans ce monde au sein d’une famille.
Il y a donc de l’espoir.
Mais quelle famille a-t-il choisi? Un homme et une jeune femme, les deux
tout prêt à faire Sa Volonté - et qu’est ce qu’il
leur arrive? Dès le début, ce début si bouleversant pour
l’un et l’autre, il y a déplacements, fuite, violence, menace
de mort même. (Pensons aux enfants tués par Hérode).
Plus tard, malgré leur bonne volonté, Joseph et Marie n’arrivent
pas à comprendre leur adolescent – plus tard encore Marie doit
voir son fils faire selon ses convictions - et en mourir sur la croix comme
un criminel…
Elle, elle reste seule : ni mari, ni fils!
Est-ce là tout notre espoir?
Laissez-moi faire un pas de plus : remontons aux sources, au texte fondateur
de la famille :
Au début « Dieu créa l’homme à son
image. Homme et femme il les créa » (et cela
inclut la créativité et la fertilité des êtres
humains, donc la famille) « et Dieu vit que cela était bon! »
Mieux encore : Dieu a crée tout son monde imparfait :
Sa création, dès le début, inclut des catastrophes naturelles,
la maladie, la mort, le bien et le mal. Il aurait pu faire
autrement et ne l’a pas fait. Il nous étonne, Dieu.
Il a créé l’homme et la femme libres, libres de choisir
entre le bien et le mal. Il nous a donné le droit et le devoir de construire
ce monde avec lui :
de choisir chaque jour et à chaque époque, entre le bien et le
mal, entre le connu et l’inconnu. Rien n’y est coulé dans
le béton (et même le béton ne dure pas à jamais).
Le modèle de famille de nos ancêtres, volonté de Dieu pour
eux, s’est effrité de nos jours.
Et c’est là, j’ose le dire, c’est
là notre chance, notre espérance même.
Oui, j’ose le dire avec confiance :
Dieu nous donne le droit, il nous donne le devoir même, de bâtir
avec lui ce monde toujours nouveau. À chacun, chacune, selon ses capacités
et ses limites, il donne le droit de changer des choses, le droit d’essayer
les choses; le droit de se tromper en essayant. Tout peut être bouleversé…
En tout cas, tout est déjà bouleversé, que nous le voulions
ou pas.
Saint Paul dit dans une de ses lettres « Essayez tout ce qui est
bon gardez le ».
Il n’y a qu’une chose qu’il ne faut jamais oublier,
c’est ce mot du début : «Et Dieu vit que cela était
bon. »
Oui, le couple humain, la famille, cela reste bon!
Gardons précieusement ce noyau de notre foi et osons tout le reste dans
la confiance profonde que nous sommes crées à l’image
de Dieu, et que lui, il est amour, il est vie, et il est toujours avec nous;
toujours!
Célébrons ensemble, avec ceux qui sont là, et ceux qui
sont loin :
Célébrons ensemble ce qu’il nous a laissé :
un repas de famille.