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Communauté chrétienne
Saint-Albert-Le-Grand de Montréal |
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Pleinement homme, pleinement Dieu
19e dimanche du Temps ordinaire B
9 août 2009
Guy
Lapointe
I Rois, 19, 4-8
Jean 6, 41-51
Ce passage de l’évangile selon Jean n’est pas facile à suivre.
On est porté à y entendre des répétitions.
J’ai tenté de le proclamer lentement. Mais il reste que c’est
pour nous et de nous dont Jésus parle. Essayons de trouver un chemin
d’interprétation.
Une affirmation immense : « Moi », dit Jésus, « je
suis le pain descendu du ciel ». La réaction des juifs
est immédiate. « Cet homme n’est-il pas Jésus,
fils de Joseph? Nous connaissons bien son père et sa mère.
Alors comment peut-il dire :’Je suis descendu du ciel’? » Voilà l’interrogation.
Comment cet homme, qu’on connaît comme l’un des nôtres,
peut-il avoir de telles prétentions : « Je suis
le pain qui est descendu du ciel ». Il faut avouer que ce sont
de grosses affirmations, pas faciles à accueillir. Tel est l’enjeu
de ce passage de Jean, qui est aussi le nôtre aujourd’hui.
Je le formulerais ainsi : désormais notre relation à Dieu
passera par la vie de Jésus, à travers l’humanité de
Jésus. Cet homme qu’on sait être le fils de Marie et
de Joseph, il vient à la fois d’un amour humain et de l’amour
de Dieu. Jésus affirme qu’il vit une relation privilégiée
avec Dieu; qu’il est le seul à avoir vu Dieu. Pour les Juifs,
ces affirmations sont énormes. À travers lui, c’est
Dieu que l’on rencontre. Ce n’est pas rien… Cela est
dit d’une façon très forte dans ce passage de Jean.
C’est même scandaleux. Et pourtant…
Et pourtant, c’est l’enjeu de notre foi qui se vit ici. C’est à travers
les enjeux humains, à travers ce que cet homme a vécu jusque
dans sa mort pour donner un autre visage, une autre orientation à l’humanité,
que nous vivrons désormais la relation à Dieu. Il est « descendu
du ciel ». Ce que Jésus dit aux juifs, ce qu’il
nous dit à nous aujourd’hui, c’est que l’accès à Dieu,
passe maintenant par lui, par cet homme de la terre et du ciel. Oui, il
est fils de Joseph et de Marie, mais il a une relation privilégiée
avec Dieu. On dira plus tard: il est le Fils de Dieu. Cette affirmation
n’est pas d’abord à recevoir comme un dogme, mais comme
une expérience à vivre, un sens de la foi à découvrir.
On fait confiance, on vit une expérience croyante. Et cette expérience
de Dieu a pour nous cette originalité qu’elle passe par Jésus à la
fois homme et « pain descendu du ciel » et elle
passe par nos relations avec les autres. La foi est à ce prix.
On parle de plus en plus des trois religions monothéistes, Juifs,
Chrétiens et Musulmans. On fait un travail souvent remarquable,
dans certains milieux, pour créer des liens, pour nous donner un
visage de Dieu qui rejoignent les trois traditions. Mais il faut bien reconnaître
que pour les Juifs et les Musulmans, — qui ont par ailleurs une grande
admiration pour Jésus — notre relation à Dieu qui passe
par Jésus, par un humain, a quelque chose d’irrecevable. Et
pourtant… c’est la grandeur et la fragilité de Dieu
d’avoir ouvert en Jésus ce jeu de relations inédites.
Ce passage de Jean est au cœur de ces enjeux.
Et alors que signifie cette expérience de partager le pain de vie
et le vin dans l’eucharistie? Dans ce geste, Jésus nous propose
de partager sa route, c’est son existence généreuse. « Le
pain que je donnerai, c’est ma chair ». Le mot chair ne
désigne pas ici une réalité biologique. Il renvoie
avec force à la personne de Jésus, à la présence
de Dieu qui a pris chair, au don qu’il a fait de lui-même.
C’est une relation inédite à Dieu. C’est à la
fois avoir les pieds et la tête en pleine humanité comme Jésus,
en même temps que de tenter de saisir les enjeux de notre relation à Dieu.
Partager le pain et la coupe, c’est précisément cela :
dire la nouveauté de la relation à Dieu dans un lien d’humanité.
Ne pas tenter d’enlever au pain brisé, partagé, et à la
coupe, leur épaisseur dans notre humanité, comme si moins
le pain a l’air du pain, plus ce sera l’eucharistie.
L’eucharistie est une expérience humaine comme le pain, et
sacrée comme le pain. On n’a pas à la vivre en dehors
de notre humanité. Lorsque Jésus affirme « qu’il
est le pain descendu du ciel », il nous dit que le fait de partager
ce pain et ce vin, c’est nous situer au cœur de l’expérience
croyante. C’est sa vie qu’il partageait et distribuait en affirmant
que par ce pain et ce vin partagés, il était prêt à aller
jusqu’au bout de lui-même, jusqu’au bout de l’humanité,
jusqu’au bout de Dieu.
Notre eucharistie n’est pas seulement un rappel du geste de Jésus
lui-même. Elle est un appel à ceux et celles qui la célèbrent
en mémoire de lui. L’eucharistie est ouverture à tous
et à toutes. On ne doit pas éteindre son dynamisme, en l’enfermant
dans un rituel trop serré, sous prétexte de sacralité où il
n’y a, dans la pratique, plus de pain, ni de vin. C’est un
des grands défis de nos communautés célébrantes :
redonner du sens à l’eucharistie, en retrouvant des gestes
simples, vrais et près de nous. Ne jamais refuser la dimension humaine
de nos célébrations, comme on n’a pas à refuser
Jésus, homme parmi nous, et pain de vie.
Je termine en rappelant deux épisodes lesquels, je l’espère,
nous aideront à poursuivre la réflexion. Le passage du livre
des Rois que nous avons lu. Pour nous aussi vaudra ce qui a été dit
du prophète Élie qui s’était endormi, complètement
découragé de la vie : « L’Ange du Seigneur
le toucha et lui dit : ’ Lève-toi, mange et boit,
tu as un long chemin devant toi’… » Et un court
passage du livre d’Éric-Emmanuel Schmitt, Oscar et la
dame Rose. Oscar, un enfant de 10 ans est hospitalisé. Il ne
lui reste plus que 10 jours à vivre. Dame Rose, qui le visite tous
les jours, lui suggère d’écrire à Dieu. À un
certain moment, elle lui dit ceci : « Chaque fois que tu
crois en lui, il existera un peu plus. Si tu persistes, il existera complètement. » C’est
ce que je nous souhaite.
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