Comme à ces noces de Cana, nous voulions que la rentrée se vive dans un climat de fête. Il y avait probablement longtemps qu’on la préparait cette noce! On n’avait pas prévu assez de vin. Cela arrive… « Il y avait six cuves de pierre pour les ablutions rituelle des Juifs, chacune contenait environ cent litres » Vous imaginez, six cuves de pierre, c’est du vin… il y a de quoi se mettre à chanter… Et on n’a plus manqué de vin…
Après tant de siècles, on en parle encore de ces noces. On ne sait même pas le nom des mariés. Les invités sont des inconnus. Seuls apparaissent Jésus, sa mère et ses disciples. Nous sommes des invités à cette noce. Une noce avec ses moments de surprise. Brusquement, dans le récit, il est dit que Jésus manifesta sa Gloire. Il était un invité … Et il change l’eau en vin; comme si soudain tout était bouleversé et que Jésus voulait manifester que Dieu habitait la vie humaine.
La présence de Jésus aux noces de Cana signifie quelque chose à la fois tout simple et révélateur. Jésus a été là, présent, à une réalité humaine dans toute sa valeur humaine. Il a même contribué en changeant l’eau en vin à bâtir et à préserver la valeur humaine de ces noces. Il s’est impliqué et j’ose croire que les autres invités en ont fait autant. En venant parmi nous, Jésus a voulu, comme envoyé, comme Fils de Dieu se rendre présent à tout notre projet humain. Il a voulu le faire sien pour justement l’ouvrir sur l’espérance. Il a voulu bâtir la demeure humaine en construisant le royaume de Dieu…
Qui aurait pu croire que, après tant d’années – depuis les années 60 – la communauté chrétienne St-Albert allait encore vivre et célébrer, sans trop manquer de vin, en portant toujours des questions sur le sens de ce que nous vivons et célébrons ensemble, tout comme Jésus se posait des questions sur le sens de sa vie.
Pourquoi venons-nous au rassemblement dominical et quel est le sens de ce que nous faisons et vivons dans nos célébrations? Comme aux noces, nous sommes invités et non « obligés » de venir célébrer. La foi est une invitation. C’est aussi une réalité humaine. Nous nous rassemblons et nous avons fait tant d’efforts pour que ce soit une véritable rencontre, une communauté ouverte, une communauté de passants et de passeurs. Nous réunir le dimanche, c’est une invitation à prendre une distance avec tout ce qui nous entoure. Comme à une fête, prendre du temps ensemble – cela est plus que nécessaire – pour retrouver la confiance en Dieu, en Jésus, en nous, dans le monde; se remettre constamment en recherche pour vivre et nous engager. Dans nos célébrations, nous sommes invités chacune et chacun, à notre manière, à nous impliquer pour que nos célébrations aient le plus de sens possible. Il y a les plus âgées les plus jeunes , de plus en plus d’enfants. Et c’est heureux. La table est grande ouverte; le repas est important dans la vie. Il l’est encore plus dans la foi, véritable repas où l’on apprend et réapprend le sens du partage dans la mémoire de Jésus.
Au cours de cette année, nous voulons réfléchir, d’une façon plus dense, plus profonde, au sens des rassemblements de notre communauté. Comme si nous avions plus que jamais besoin de nous prendre en mains, de travailler à mieux voir ce qui se passe en nous et à tenter des ouvertures pour que notre route se continue. Pourquoi sommes-nous ici? Que venons-nous et voulons-nous célébrer ensemble? Telles sont les enjeux que nous avons à nous rappeler aujourd’hui et au cours de l’année qui vient. J’ose espérer que, chacune et chacun à sa façon, tous et toutes, nous nous engagerons; c’est de nous dont il s’agit, c’est de la qualité de notre relation de foi dont il s’agit. C’est notre façon de suivre Jésus.
Le rassemblement liturgique, n’est-il pas un moment où nous nous rencontrons dans la mémoire du Dieu de Jésus? Chaque geste, les chants, la Parole, la musique, le silence, l’accueil des enfants, le partage du pain et de la coupe en mémoire de Lui devraient favoriser la rencontre et nous inviter à rester debout au cœur de la vie. S. Augustin revenait souvent dans ses homélies sur le fait que le dimanche, le chrétien doit se tenir debout, parce que c’est le jour de la Résurrection.
Ce n’est pas la première fois que nous nous disons ces choses ici. Dans notre rassemblement, Dieu est proche, comme il l’a été aux noces de Cana. Se faire proche les uns des autres, se parler, se regarder, communiquer. Cela est important. On ne vient pas comme fixé sur la seule relation verticale. L’Incarnation nous dit que Dieu passe à travers nos relations humaines, nos réalités de foi. On n’est pas seul, on est en assemblée pour faire eucharistie pour rendre grâce. On a besoin dans nos célébrations des pratiques expressives et qui nous situent quelque part. La motivation, l’appartenance, ne prennent du sens quand on peut y mettre ses propres touches personnelles, communautaires et dialoguées. À Cana, Jésus a fait un geste qui a relancé la fête pour que les invités vivent ce grand bonheur.
Récemment, quelqu’un me disait: « La messe, c’est comme si vous m’invitiez à un repas, pourvu que je n’y dise pas un mot ». Cette personne n’est pas la seule à vivre cette expérience. Dans des célébrations où le rituel est au service de l’assemblée et non le contraire, tout se passe comme si on avait à réaventurer la foi, sa transmission et sa célébration. C’est ce qui donne un visage à notre communauté et c’est à cela que nous travaillerons davantage cette année.
Cette rentrée nous ouvre à la route, s’il arrivait que nous ayons le goût de nous arrêter en chemin. Pensons aux noces de Cana, noces relancées par le geste de Jésus. Et en terminant, je cite de nouveau s. Augustin :
« Nous sommes des voyageurs;
Celui-là est chrétien qui, jusque dans sa maison et sa patrie
Se reconnaît n’être qu’un voyageur.
Tel est mon souhait de la rentrée : tout comme des voyageurs, que nous puissions nous trouver chez-nous, ici, véritable lieu de passage.