« Ne mêlez pas des considérations de personne avec la foi en Jésus Christ », avons-nous entendu dans la lettre de Jacques. C’est un défi, et il est de tous les jours. C’est difficile. Le travail n’est jamais terminé. L’affirmation est claire et elle rejoint ce que nous tentons de nous dire au sujet de la vie de la communauté et de notre expérience d’Église. Ne pas faire acception de personne. Pratiquer un accueil qui soit inconditionnel ou, du moins, dont la seule condition soit le désir de partager la foi, de célébrer cette foi, de vivre en grande ouverture à tous. Nos assemblées chrétiennes, ce sont des moments et des expériences accessibles à toute personne ayant le désir d’approfondir sa foi en l’Évangile, de la partager et de la célébrer. L’Évangile est une invitation, tout comme la célébration est une invitation la plus ouverte possible…
Cette interpellation de s. Jacques reprend, à sa façon, l’attitude de Jésus qui guérit un sourd-muet. Jésus marche en plein territoire qu’on appelle la Décapole. Il serait intéressant d’avoir une carte géographique. La Décapole est un territoire de la Palestine où il n’y a pas beaucoup de juifs. Ce sont surtout des villes grecques. En fait, un territoire païen. Il marche en quelque sorte hors frontière, là où la parole de Dieu n’a pas été dite, là où elle n’est pas connue. C’est sur cette route que Jésus rencontre un sourd-muet. Ce sourd-muet a bien des choses à nous dire maintenant que Jésus lui a rendu la parole. Jusque–là, « Il parlait avec peine », difficilement. C’est souvent nous. Jésus l’emmène à l’écart. Jésus lui dit : « sois ouvert » pour moi. D’une certaine façon, Jésus passe la frontière de la terre promise pour dire à ces personnes qu’il rencontre, comme à nous, comme au sourd-muet : « Ouvre-toi »! Et il le dit et le fait sans aucune condition.
Jésus n’a pas peur des frontières… Il désire que les gens se remettent à vivre avec les autres, et qu’on abolisse les frontières entre nous. C’est quelque chose qui ressemble aux temps nouveaux annoncés par Isaïe. Ces temps dans lesquels s’ouvriront les yeux des aveugles, les oreilles des sourds, la langue se déliera. Jésus ouvre ces temps en guérissant une personne mise en marge de la société. Jésus dit à ses disciples de ne pas en parler de cette guérison, mais les disciples répandent la nouvelle : c’est la vie qui se manifeste; on ne peut pas le cacher…
Non, Jésus n’a pas peur des frontières… Tout comme nous, nous ne devons pas avoir peur des frontières et pourtant, on sait que ce n’est pas facile ni au plan social, ni au plan culturel, ni au plan religieux. Ce sont des lieux où Dieu passe là où on ne s’y attendait pas. Jésus continue sa route; il passe les frontières, une sorte de chemin spirituel qui nous conduit jusqu’à nos chemins d’aujourd’hui, sans condition, si ce n’est que d’avoir le désir de vivre et de s’ouvrir aux autres.
« Ouvre-toi !», dit Jésus au sourd-muet. Cette ouverture se vit chaque fois que nous tentons d’écouter l’autre, quel qu’il soit. Quand la parole des autres n’est ni ignorée, ni monopolisée. Quand la parole des personnes qui ne peuvent pas s’exprimer est libérée. Quand on se rend attentif aux meilleures aspirations du cœur. Quand sont levés les blocages personnels, et qu’on redécouvre les chemins du pardon pour soi et pour les autres.
Quand partout où des humains sont ensemble s’établit un juste équilibre entre parole qui dit le silence qui écoute. Quand passe le courant de communication qui devient communion.
Quand à l’intérieur de ce que disent les personnes, on discerne la voix de Dieu Quand on ne bégaie pas pour dire la Bonne Nouvelle et chanter les merveilles de Dieu, alors les sourds-muets sont guéris… les laisser parler, les ouvrir à la vie.
Cet appel à l’ouverture nous rejoint aujourd’hui. C’est un travail de tous les instants; un travail qui nous fait vivre, une ouverture à la vie. « Ouvre-toi » dit Jésus à tous les sourds-muets de toutes les Décapoles. En déliant les langues, Jésus veut surtout libérer la parole.
J’espère que nos assemblées dominicales, grâce à l’écoute de la Parole et au partage du pain et de la coupe, nous ouvriront davantage à la vie de l’Évangile, sachant que personne n’est exclu, pourvu qu’il y ait un désir de célébrer. Oui, « Ouvre-toi à la vie! »