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Qu’est-ce que vivre?

28e dimanche du Temps ordinaire B

 

11 octobre 2009

Guy Lapointe
Guy Lapointe

Marc 10, 17-27



Vous serez d’accord avec moi, c’est une histoire qui donne à penser… L’homme arrive en courant. Il a certainement entendu parlé de Jésus. Il l’appelle « Bon Maître ». Sa hantise : la vie, la vie éternelle… « Maître, que faire pour avoir la vie, toujours? ». Au fond de lui-même, il y a quelque chose qui questionne la qualité de sa vie… C’est comme s’il se demandait : qu’est-ce que vivre? Qu’est-ce que la vie? Où cela mène-t-il? Non seulement il est riche, mais il a de la morale. Non seulement il connaît les commandements, mais il les observe depuis sa jeunesse. En même temps, il semble vivre une insatisfaction. Il ne se contente pas d’être en règle. Il se cherche lui-même. Il cherche quelque chose de durable. Il cherche autre chose qui pourrait ressembler à la vie éternelle. Jésus l’interpelle. Il le regarde. Il lui indique une voie, un chemin pour se libérer encore davantage et devenir plus humain, plus en vie. C’est une invitation : « Suis-moi. » Tout est affaire de réponse. Cet homme, pour le moment, n’est pas prêt…
On lit une certaine sagesse chez cet homme. Il sent que la vie ne se vit pas sous le mode de l’avoir, qui peut devenir lentement le lieu de ses enfermements. Même si l’évangéliste dit que cet homme « avait de grands biens », il ne s’agit pas uniquement d’argent et de maisons, mais de tout ce qui peut l’encombrer. Il lui faut apprendre à lâcher prise. La vie, semble dire Jésus, n’est que dans le partage. La frénésie de la consommation peut-elle rendre heureux? Le seul bonheur : aimer et être aimé. Et aimer est une expérience qui mène à l’action. Un vieux proverbe dit : on n’a que ce qu’on a donné. Jésus le redit à sa façon : il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir…
Visiblement cet homme cherche... Jésus lui ouvre un chemin : « suis-moi ». Jésus est un marcheur, un « itinérant ». « Une seule chose te manque : va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres…puis viens, suis-moi ». Mais cet homme n’était pas prêt : « Il s’en alla… » Et la vie continue. La vie est une marche vers la vie totale, la vie éternelle. Une marche avec quelqu’un…
Jésus regarde et se tourne vers ses disciples pour leur redire, à cette occasion, qu’on ne se sauve pas uniquement en amassant des richesses et, je rajouterais, non plus qu’en amassant des mérites. Jésus utilise une comparaison, qui a traversé les siècles et les cultures, mais qui nous laisse songeur : « il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu ». On l’a tellement commentée. Je ne le ferai pas aujourd’hui… C’est une image exagérée comme on en trouve souvent dans les contes orientaux. Jésus aimait le langage paradoxal, fort, pour réveiller.
Mais ce qui est important pour Jésus ,c’est de profiter de cette situation pour faire saisir à ses disciples le sens de cet appel : on ne se sauve pas tout seul, on est sauvé par l’Autre, par Dieu, par les autres aussi, avec les autres… On n’entre qu’allégé dans la vie éternelle…. Passage qui est facile à comprendre, mais difficile à vivre. La foi est une invitation à sortir de soi. Il faut accepter d’être sauvé dans l’action et non dans une attente passive.
(Pourquoi je vis? Jusqu’où ma façon de vivre me mène-t-elle? C’est quoi une vie qui serait éternelle? Pour l’homme riche, c’est de prendre une décision fondamentale. C’est un homme bon. Trop de choses le retiennent encore pour pouvoir décider d’aller plus loin. )
Il y a dans ce passage quelque chose de la radicalité de l’Évangile, cette radicalité qui nous dit: va plus loin, va vers toi, tout comme Abraham. Et on sait qu’Abraham a fait de sa vie un très long voyage. Va vers l’autre, cherche à devenir un véritable humain. L’Évangile t’y invite, moi Jésus, je t’y invite. Comment posséder comme si on ne possédait pas. Ne pas être possédé par ses possessions. Confiance en l’autre et non se tourner vers soi pour se protéger. Nous ne sommes pas des possédants, mais des personnes qui apprennent à gérer et à libérer leur vie. La foi est une invitation à sortir de soi, à faire confiance à l’autre, à faire confiance à Dieu, à quitter les sécurités illusoires et à se dépouiller de certitudes… Devenir plus grand que les biens que l’on possède.
La sagesse, c’est de savoir regarder et se regarder. Dans le passage il y est question de regard par trois fois… Jésus nous a communiqué un regard sur les autres, regard de sagesse de libération; un regard qui devient geste. Pensons à la magnifique chanson de Brel : « Il nous faut regarder… »
Pour cultiver ce regard, je crois que nous avons de la chance de fréquenter la Parole et l’assemblée pour continuer à nous interroger : quel regard portons-nous sur Dieu, sur nous, sur le monde, sur les autres? Est-ce que le regard me mène à l’action, à quelle action? À chacune et à chacun de trouver son chemin, le meilleur. C’est tout le sens de notre vie. Jésus en propose un; pour l’instant cet homme ne peut consentir. Il ne peut le suivre parce que Jésus est effectivement toujours sur les routes, il est un itinérant et l’homme, lui, possédait encore de grands biens… Mais il sait probablement que viendra un moment où le bagage doit être ouvert pour de bon… et qu’il faudra se libérer de bien des choses…
Qu’est-il dont advenu de cet homme à la suite de sa rencontre avec Jésus? On espère pour lui… On espère pour nous. L’Évangile ne se termine jamais. Souhaitons que cet homme ait décidé un jour ou l’autre de se remettre en route. Cet homme c’est vous, c’est moi… Sommes-nous en cheminement vers la vie, vers la vie éternelle?( Faisons-nous confiance en un Dieu qui nous respecte, un Dieu patient, qui porte un regard sur nous, qui attend que nous soyons des disciples intelligents et qui désirent se tenir debout en plein coeur du monde, en plein cœur de la vie?)


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